Le propos d’Alain Pras est différent : c’est sur le patrimoine industriel de demain qu’il veut mettre l’accent et sur l’industrie en activité qu’il porte ses regards et son admiration. Son intérêt est d’abord esthétique : c’est la beauté de ces grands sites industriels qu’il nous donne à voir mais il souhaite également faire profession de foi. S’il reconnaît les nuisances créées à l’environnement par certaines industries, il tient cependant à être le défenseur de l’industrie contemporaine, à ses yeux injustement décriée. Alain Pras a la conviction que l’industrie, en mettant en œuvre les progrès technologiques et scientifiques, a encore un bel avenir devant elle. Il désire nous faire partager son admiration pour ces énormes machines et nous en faire découvrir la splendeur.
Il veut nous montrer que nous n’avons rien à craindre de ces bâtiments ultra-modernes. Ces complexes industriels ressemblent, à ses yeux, bien moins aux usines du siècle dernier qu’à d’immenses laboratoires dont l’impact sur l’environnement, en raison des progrès de la technologie, est de plus en plus réduit…
Son intérêt pour l’industrie, l’admiration qu’il porte à ces ports, ces usines, ces raffineries, ces hauts-fourneaux, l’ont conduit depuis plus de trente ans, à travers l’Europe, l’Amérique puis l’Asie, à photographier cet univers fait de fabuleux assemblages, de tuyauteries colorées, d’escaliers métalliques, de grues. Quand il regarde ces bâtiments industriels, il voit un immense musée à ciel ouvert dont les couleurs lui évoquent Kandinsky et dont il désire nous révéler la splendeur.
Ce faisant, il fait œuvre d’artiste et sa photographie devient peinture.
Si Alain Pras s’enthousiasme sur le travail de Charles Scheler qui photographia les usines Ford dans les années 1930, sur celui du couple Bernd et Hilla Becher qui se livrèrent à un véritable inventaire des lieux industriels, s’il souhaite lui aussi glorifier le monde de l’industrie, il diffère d’eux par la forme et l’utilisation de la couleur, très prégnante. Celle-ci évoque plutôt Peter Klasen, qu’il découvrit dans les années 1970 et dont il est toujours un grand admirateur.
Malgré ces filiations revendiquées Alain Pras réalise une œuvre profondément originale par la façon de mettre en scène son sujet. Ces constructions qui n’ont pour but que l’efficacité, il les photographie au contact direct de la nature, excluant systématiquement toute présence humaine. Même si celle-ci se devine parfois, l’homme y est minuscule, on le distingue à peine, accentuant par là même le gigantisme de ces outils et de ces bâtiments qu’Alain Pras restitue ainsi dans toute leur force colossale et leur impressionnante beauté.